Le train des orphelins by Christina Baker Kline

Le train des orphelins by Christina Baker Kline

Auteur:Christina Baker Kline [Baker Kline, Christina]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Belfond
Publié: 2015-08-15T00:00:00+00:00


Les petits gémissent comme des chiens blessés et se blottissent les uns contre les autres pour se réconforter mutuellement. Ils ne jouent pas à courir et à sauter, comme des enfants normaux. Leur nez est toujours morveux et leurs yeux sont larmoyants. Je me déplace dans la maison comme un insecte caparaçonné, insensible aux piques que me lance Mme Grote, aux pleurnicheries d’Harold, aux pleurs de Gerald Junior qui, de sa vie, n’arrivera jamais à satisfaire pleinement son besoin d’être constamment pris dans les bras. Je vois Mabel se transformer en une enfant maussade, trop consciente des responsabilités qui lui incombent et de la maltraitance dont elle fait l’objet, condamnée qu’elle est à faire partie de cette triste assemblée. Je sais ce qu’ils endurent, leur façon de vivre, mais il m’est quand même difficile de les aimer. Leur malheur ne fait que souligner le mien. Toute mon énergie est concentrée sur le fait de rester propre et de me lever le matin pour aller à l’école.

Une nuit de tempête, étendue sur un matelas dont on sent les pointes métalliques des ressorts à travers le fin rembourrage, tandis que de l’eau goutte sur mon visage et que mon ventre crie famine, je me remémore un moment sur l’Agnes Pauline alors qu’il pleuvait et que nous avions tous le mal de mer. Mon père essayait de nous distraire et nous avait demandé de fermer les yeux et d’imaginer une journée parfaite. Cela s’était déroulé trois ans auparavant, je n’avais que sept ans, mais ce que je m’étais inventé à cette occasion est resté gravé dans ma mémoire. Un dimanche après-midi, je vais rendre visite à ma grand-mère. Pour rejoindre sa douillette maison située en bordure du village, j’escalade des murets de pierre et traverse des étendues d’herbes folles qui ondoient dans le vent. Je sens la douce odeur de fumée en provenance des feux de tourbe et écoute les grives et les merles qui vocalisent. Au loin, j’aperçois le toit en chaume et les murs passés à la chaux de la maison, ainsi que les pots de géraniums qui fleurissent sur le rebord des fenêtres. La robuste bicyclette de grand-mère repose contre la barrière, à l’intérieur du jardin, près de la haie où pendent, par grappes denses, mûres et prunelles.

À l’intérieur, une oie rôtit dans le four et Monty, son chien noir et blanc, attend sous la table qu’on lui donne des restes. Grand-père est soit sorti pêcher la truite dans la rivière avec la canne qu’il s’est lui-même confectionnée, soit parti dans les champs chasser le coq de bruyère ou la perdrix. Grand-mère et moi sommes seules pendant quelques heures.

Elle prépare une tourte à la rhubarbe et étale une pâte à tarte jaune avec son grand rouleau à pâtisserie qu’elle saupoudre ensuite de farine puis étend de manière à pouvoir la poser sur la garniture et couvrir les bords du plat avec. De temps à autre, elle tire une bouffée de sa cigarette Sweet Afton et des volutes de fumée s’élèvent au-dessus de sa tête.



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